Musiquer ?
C’est un verbe qui existe vraiment, mais qui est presque oublié, rarement utilisé. Il désigne le fait de jouer de la musique ensemble.
Mais en quoi musiquer peut-il créer du lien, renforcer la cohésion d’un groupe et nourrir les relations humaines ?
J’ai souvent ressenti cette connexion invisible mais toujours en action pendant mes répétitions et concerts en orchestre. Chacun écoute, ajuste son volume, attend son entrée, joue en rythme, jusqu’à ce que toutes les individualités se fondent en une seule respiration, en un seul geste, en un seul corps bien coordonné.
Je ne pense pas que nous avions pleinement conscience de ces mécanismes qui nous permettaient de jouer ensemble et de produire ces beaux morceaux de musique classique. Pourtant, nous respections tous, sans le savoir, les mêmes règles que celles d’une équipe soudée : écoute, coordination, confiance et attention mutuelle.
Avec le recul, je réalise que le jeu musical collectif est le reflet du fonctionnement des mécanismes sociaux et professionnels qui permettent le succès dans les relations et dans le travail. J’aurais pu appeler cet article La symphonie sociale, tant les deux univers se recoupent.
Ensemble, découvrons comment jouer ensemble devient un outil puissant de cohésion, de communication et d’harmonie relationnelle.

L’ORCHESTRE, LE MIROIR DE L’ENTREPRISE ET DE LA SOCIETE
Qu’est-ce que l’orchestre ?
Selon le Larousse, en voici une définition :
« Ensemble des instruments réunis pour l’exécution d’une œuvre musicale. »
Puis, de façon plus large : « Groupe d’instrumentistes constitué en association de concerts symphoniques. Au sens le plus général, et particulièrement dans la musique occidentale, réunion d’instruments fonctionnant comme masse, comme ensemble, et non comme addition de solistes. »
J’aime la notion de « masse », parce que cette masse est une masse organisée dans l’orchestre, tout comme la masse sociale et la masse salariale doivent l’être, n’est-ce pas ?
La définition du dictionnaire de l’Académie française est aussi intéressante :
« … se dit de la réunion de tous les musiciens d’un théâtre, d’un concert, d’un bal. »
Ici, les musiciens sont considérés comme des acteurs d’un spectacle vivant.
Pour faire le parallèle avec notre société, nous pourrions dire que nous sommes tous des acteurs vivants, chacun ayant son rôle à jouer. C’est aussi vrai dans le monde de l’entreprise, où chaque poste est utile à l’harmonisation des tâches à effectuer.
Voyons qui compose l’orchestre et l’équivalence que nous pourrions en tirer concernant le monde de l’entreprise.
Nous partirons sur un orchestre à cordes uniquement :
- le chef d’orchestre : le PDG
- le premier violon solo : le directeur général adjoint
- les chefs de pupitres : les managers, chefs de service, responsables, chefs de projet
- les différents pupitres de l’orchestre
On appelle pupitre les groupes d’instruments identiques qui jouent la même partition.
Ainsi, on a un pupitre pour les violons I, les violons II (voire violons III dans certains orchestres), les altos, les violoncelles et les contrebasses.
Les pupitres sont les différents services de l’entreprise, dans lesquels les équipes dédiées travaillent ensemble, comme par exemple les ressources humaines, le pôle commercial, la production, la communication ou la finance.

LE FONCTIONNEMENT DE l’ORCHESTRE
Le chef d’orchestre est celui qui donne les directives : il indique par ses gestes le départ, les nuances, les ralentis, le tempo, la couleur du morceau. Il donne le ton sur tous les points.
S’il y a un soliste, celui-ci propose, en partenariat avec le chef d’orchestre, sa propre interprétation du morceau, son style et ses intentions de jeu à l’orchestre. Les répétitions servent à caler tous ces points.
Chaque chef de pupitre coordonne sa section – violons I, violons II, altos, violoncelles, contrebasses — et entame un travail collectif sur la partition. Chaque pupitre travaille, par exemple, sur les indications de coups d’archet pour que, visuellement, tous aillent dans le même sens.
Tout comme dans un orchestre, une entreprise est donc hiérarchisée pour assurer le bon fonctionnement de ses activités.
Chaque instrumentiste connaît et suit sa partition. Il ne joue pas celle d’un autre pupitre, ni ce qu’il veut, quand il le veut.
Chacun suit la dynamique de groupe et homogénéise son jeu pour l’interprétation d’une musique collective.
L’ego n’a pas sa place. Place plutôt à l’écoute collective, à l’attention partagée pour savoir où l’on en est sur la partition, à la concentration pour démarrer ensemble, à la synchronisation pour jouer en rythme, et à l’inhibition pour respecter les nuances et ne pas couvrir les autres.
La musique en groupe nécessite de la courtoisie et une humilité qui permettent à tous de bâtir une œuvre commune et magnifique. Les applaudissements du public sont le reflet du succès de cette prouesse.
L’ENTREPRISE, UNE SYMPHONIE HUMAINE
Du côté de l’entreprise… vous me voyez venir, n’est-ce pas ?
Comme dans un orchestre, chaque collaborateur a sa place et son rôle à jouer.
Dès qu’un collègue cherche à faire entendre son point de vue plus fort que celui des autres, la cacophonie s’installe : les relations se tendent, l’équilibre se rompt, et la dissonance prend le dessus sur l’harmonie.
D’ailleurs, le mot cacophonie est particulièrement parlant ici.
Il vient du grec ancien kakophōnía, formé de :
- kakos (κακός) = « mauvais, laid, désagréable »
- phônê (φωνή) = « voix, son, parole »
Littéralement, cacophonie signifie « mauvais son » — une image parfaite des tensions qui apparaissent lorsqu’un groupe perd le sens de l’écoute et de la coordination.

Dès qu’un collègue commence à vouloir prendre les tâches de l’autre (comme un deuxième violon voudrait prendre la place du premier violon solo), c’est vite un combat de rivalité qui détruit l’harmonie du groupe.
Si, lors d’une réunion, l’un a besoin qu’une tâche soit faite au plus vite, mais que l’autre prévoit de la concrétiser dans trois mois, on peut être certain que la communication n’est pas passée et que le projet ne sera pas livré à temps. Les tâches doivent être synchronisées entre les différents services d’une entreprise.
Dans la société, en famille, entre amis ou même au bureau de poste, les mêmes règles de courtoisie, d’attente et de synchronisation s’appliquent pour entretenir de bonnes relations.
VOUS PRENDREZ BIEN UN PEU DE SCIENCE ?
LES DYNAMIQUES SOCIALES DE LA MUSIQUE
Dès que plusieurs personnes participent à une activité musicale de groupe – que ce soit autour d’un tambour, par le chant ou avec des instruments comme le violon – il se passe dans le cerveau et dans le corps une série de phénomènes fascinants.

D’un point de vue psychologique, on assiste à ce que les chercheurs appellent la synchronisation comportementale, rythmique et physiologique. Je vous invite à aller lire les définitions complètes dans le glossaire du cerveau.
(C’est donc ça ! Ce sentiment de cohésion de groupe que j’ai éprouvé, et que je retrouve chaque fois que je joue en orchestre.)
Selon l’étude de Laura Cirelli, la synchronisation comportementale signifie que les participants :
- bougent en même temps (coordination des mouvements corporels)
- respirent à l’unisson
- et parfois même voient leurs battements cardiaques se synchroniser
Ces phénomènes sont également observés chez les militaires qui marchent au pas en chantant, ou chez les danseurs.
SE SERVIR DE LA MUSIQUE POUR LA COHESION DE GROUPE
Un atelier de cohésion musicale permet de matérialiser les rôles, la place et l’utilité de chacun, comme l’ont montré les travaux d’Avi Gilboa et Malka Tal-Shmotkin.
Ce type d’atelier développe la coopération, la compréhension des intentions de l’autre, la communication et la découverte de la personnalité de ses collègues dans un cadre à la fois ludique et bienveillant.
L’activité de cohésion de groupe Le Violon Neuronal s’inscrit pleinement dans cette approche : elle réunit musique, interaction et intelligence collective pour renforcer l’écoute, la synchronisation, la créativité et l’harmonie au sein des équipes.
Comment la musique permet -elle de telles comportements bénéfiques ?
MUSIQUE ET PSYCHOLOGIE: CE QUI SE PASSE DANS LE CERVEAU
Les neurosciences ont largement documenté les effets bénéfiques de la musique partagée.
Lorsqu’on joue à plusieurs, notamment en contexte de performance collective, notre cerveau libère :
- des endorphines (qui soulagent le stress et régulent les émotions),
- de l’ocytocine (l’hormone du lien social),
- et favorise l’activation des réseaux liés à la cognition sociale : empathie, communication, coordination.
LES BENEFICES DES ATELIERS MUSICAUX POUR L’ENTREPRISE
De plus en plus de recherches montrent que les activités musicales de groupe (comme un atelier de musique avec cordes, percussions ou chant) peuvent :
- aider à réguler les émotions et à soulager le stress psychologique – oui, la musique adoucit les mœurs
- stimuler la créativité – et donc le fleurissement d’idées nouvelles et la proactivité des membres du personnel
- réduire la fatigue mentale – bienvenue à l’efficacité ! (Peut-être même la fin de la pause-café grâce à la musique ? 😄)
- et surtout renforcer les relations interpersonnelles et l’entraide entre collègues.
POURQUOI PAS AVEC LES VIOLONS ?
Le violon est un instrument pratique et expressif qui permet de traduire des émotions fines de manière très immédiate.
C’est un outil puissant pour favoriser l’expression émotionnelle, notamment chez des personnes peu verbales ou en retrait social.

Mais au-delà de l’individuel, jouer avec d’autres en quatuor ou petit ensemble à cordes permet de vivre la musique comme une interaction vivante : on réagit, on s’adapte, on communique.
En quatuor, chaque musicien écoute activement, module ses gestes et coordonne ses mouvements corporels avec les autres. Il faut parfois anticiper les intentions musicales de l’autre – un processus qui stimule directement la cognition sociale.
PASSER DU « JE » AU « NOUS »
L’un des aspects les plus marquants des activités musicales partagées est leur capacité à favoriser le rapprochement social entre des individus qui ne se connaissent pas.
On tisse des liens plus vite en partageant la même activité et le même défi.
À travers la musique, la connexion sociale s’établit rapidement. On passe du je au nous.
Ce n’est pas seulement une cohabitation, c’est une véritable coopération.
CONCLUSION: LA MUSIQUE, SUPER POUVOIR SOCIAL
Musiquer ensemble, c’est bien plus que jouer : c’est se relier.
À travers la pratique musicale partagée, chacun devient une note essentielle du collectif.
Le violon – souvent perçu comme un instrument exigeant – est un outil profondément humain, un outil de cohésion, d’écoute et de synchronisation sociale.
En partageant la musique, on libère les hormones du bonheur et du lien, on stimule la créativité, on découvre la valeur de la contribution de chacun et on apprend à écouter vraiment.
L’attention, la concentration et la communication s’accordent alors en une même dynamique positive, où chacun et chaque geste compte.
Vivre un atelier musical de cohésion, c’est ressentir cette harmonie en action : un moment où les individualités s’accordent pour créer, ensemble, un son, un lien, une équipe.
Et si votre prochain projet d’équipe commençait par une note partagée ?

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