INTRODUCTION
Saviez-vous que l’apprentissage de la musique par le violon façonne positivement le cerveau d’un enfant pour toute sa vie?
Ce n’est pas pour rien qu’Albert Einstein, lui-même violoniste a déclaré :
La musique n’est pas là pour rendre intelligent, elle est l’intelligence. Albert Einstein
4, 6, 7, 9 ans. Les activités de jeunesse se commencent très tôt. Les parents inscrivent leurs enfants à des activités intéressantes comme l’apprentissage d’un instrument de musique. Dans les premières années de vie de l’enfant, son cerveau est malléable et absorbe les connaissances comme une éponge. Toutes ces activités ont une influence sur le développement de son cerveau. De façon plus large, elles ont une influence sur toute sa personnalité et ses aptitudes.
En effet, des études montrent que les enfants qui pratiquent un instrument de musique ont 20% de chance en plus de réussir académiquement.
Qu’en est-il de l’apprentissage de la musique par la pratique du violon ? Quels sont les bénéfices de la pratique du violon chez l’enfant?
Cet article n’a pas pour vocation de démontrer que le violon est meilleur qu’un autre instrument mais de mettre en avant les bienfaits de la pratique du violon chez l’enfant et de l’impact profond sur son cerveau et son développement global.
Pour cela, nous nous appuierons sur les neurosciences, les études scientifiques récentes, les évènements d’actualités et mes connaissances.
I- Les bienfaits cognitifs de l’apprentissage du violon chez l’enfant
La pratique régulière du violon a des effets profonds sur le développement cérébral, avec des impacts sur la structure, la fonction et la connectivité du cerveau. Voyons cela en détail.
a- Augmentation de la matière grise et blanche
Des études d’imagerie cérébrale montrent que les enfants qui pratiquent un instrument de musique comme le violon présentent une augmentation de la matière grise et blanche dans certaines régions du cerveau.
La recherche scientifique de Gaser et Schlaug (2003) a révélé que les musiciens avaient une densité de matière grise plus élevée dans les régions auditives, motrices et visuo-spatiales du cerveau. Ainsi, la matière blanche, qui relie différentes parties du cerveau, est également renforcée, ce qui améliore la communication neuronale.
b- Renforcement de la plasticité cérébrale
La plasticité cérébrale, (ou la capacité du cerveau à se modifier et à s’adapter en réponse à l’apprentissage et à l’expérience), est particulièrement renforcée par la pratique du violon. Une étude de Hyde et al. (2009) a montré que les enfants suivant des leçons de musique, dont des leçons de violon, présentaient des changements significatifs dans la structure de leur cerveau. Notamment une augmentation de l’épaisseur corticale dans les régions liées à la motricité et à l’audition.
c- Développement de la mémoire, de l’attention, de la concentration et du raisonnement
Jouer au violon développe la mémoire car le seul fait de devoir retenir les morceaux que l’on joue est un exercice de mémorisation à part entière. Mémoriser les mélodies, les nuances, les doigtés. Ainsi, la concentration est tout le temps sollicité, il faut faire attention à l’emplacement de ses doigts et à la glisse de l’archet pour produire le meilleur son possible. Surtout lorsqu’on débute. Sans compter la justesse et les autres techniques à ne pas rater pour réussir son morceau.
« Le violon est l’instrument de précision par excellence. » Le Violon Neuronal
Voyons l’etude scientifique « One year of musical training affects development of auditory cortical-evoked fields in young children” (Une année de pratique musicale affecte le développement des champs auditifs corticaux chez les jeunes enfants) de Fujioka et al. (2006).
Cette étude a examiné les effets d’un an de formation musicale sur les réponses auditives corticales chez les enfants âgés de 4 à 6 ans. Les enfants qui ont reçu une formation musicale, dont l’apprentissage du violon, ont montré des améliorations significatives dans la mémoire de travail auditive et les capacités d’attention par rapport à ceux qui n’ont pas reçu de formation musicale.
Conclusion : L’apprentissage du violon a donc comme autre avantage d’améliorer la perception et les interactions sonores qui nous entourent, la mémoire de travail et l’attention qui sont des compétences essentielles pour le développement cognitif.
d- La connectivité neuronale
Jouer d’un instrument de musique et en particulier le violon, développe non seulement la matière grise et blanche mais aussi le corps calleux qui est entre les deux hémisphères du cerveau.
Le corps calleux permet le passage de l’information d’un côté et de l’autre.
Celui-ci facilite la communication entre les aires cérébrales ce qui est essentielle pour des processus comme:
– le langage
– la mémoire
– la résolution de problèmes, d’où le fait que la pratique du violon peut améliorer l’apprentissage des mathématiques.
Le corps calleux a de nombreuses autres fonctionnalités dont:
– la production de myéline. Celle-ci entoure les axones des neurones pour les rendre plus performant.
– la production d’astrocytes qui régulent le flux sanguin cérébral en réponse à l’activité neuronale.
Le corps calleux permet aussi la coordination des mouvements des membres des deux côtés du corps. La pratique du violon est donc excellente pour la coordination de la motricité des membres supérieure et la motricité fine (des mains et des doigts).
Selon les recherches de Bengtsson et al. (2005), les enfants qui apprennent un instrument de musique tel que le violon ou le piano développent une connectivité neuronale améliorée. En effet, cette étude a montré que la formation musicale améliore la communication entre les deux hémisphères. Ceci est essentiel pour des tâches complexes nécessitant une coordination entre les deux côtés du cerveau.
Au violon, la coordination est constante entre la main droite et la main gauche. En effet, la main droite tient l’archet et le fait glisser en rythme sur les cordes. La main gauche tient le violon et avec les doigts, elle joue les notes de façon synchronisée avec l’archet. C’est tout un art ! C’est l’art du violon !
II- Bénéfices académiques de l’entraînement au violon chez l’enfant
a- Amélioration des compétences Linguistiques
L’apprentissage du violon et d’autres instruments de musique améliore les compétences linguistiques. Une étude de Moreno et al. (2009) publiée dans la revue Brain Research (dont on peut lire un extrait sur ce lien) a montré que la formation musicale améliore la capacité à distinguer les sons du langage. Cela aide à développer de meilleures compétences en lecture et en langage.
Ce point m’amène à vous présenter le programme ‘Un Violon dans mon école’ de la Fondation Vareille’ .
Il y a quelques mois, j’ai eu le plaisir d’assister au colloque « Musique, cerveau et apprentissages scolaires, Que dit la science ? : un succès ! » qui a eu lieu au Collège de France.
Des intervenants de renom ont partagé leur savoir sur la question. Parmi eux les Prof. Emmanuel Bigand, Nina Kraus, Robert Zatorre, Assal Habibi. Des personnalités du domaine politique tel que Jean-Michel Blanquer. La violoniste Alexandra Conucova qui nous a ravi les oreilles pour l’interlude musical ainsi que Karol Beffa.
Pour résumé les interventions de cette journée : l’apprentissage du violon aide à développer les facultés en lecture et en apprentissage linguistique, la cohésion sociale de l’enfant, sa discipline, le goût de l’effort, son ouïe, sa mémoire de travail, sa motricité fine.
Vous pouvez revoir les conférences sur le site de la Fondation Vareille.
La Fondation Vareille travaille actuellement en milieu scolaire pour les enfants de 4 à 8 ans. Chaque enfant a son violon et prend des cours au sein de son école avec des professeurs de violon déployés dans toutes les écoles participant au programme. Elle mène parallèlement un suivi scientifique auprès des enfants grâce à Neurospin et le CNRS-Sciences Po pour connaitre et comprendre l’impact de la pratique du violon chez les jeunes enfants. Les résultats des études scientifiques seront publiés fin 2024. C’est d’ailleurs courant 2025 que la Fondation Vareille espère intégrer Un violon dans mon école dans le programme scolaire de l’Education nationale française.
b- Optimisation de la lecture
En attendant les résultats, le programme fait son chemin avec déjà des résultats probants en lecture et en langage. En effet, en juin dernier a eu lieu le concours de lecture en Val d’Oise.
Sur les 327 participants 15 élèves issus du programme un violon dans mon école ont été finalistes. Voilà qui démontre bien l’impact positif sur le développement des capacités de lecture grâce à la pratique du violon.
Il faut savoir que le bilinguisme, la pratique d’un instrument de musique et la lecture font parti des activités qui protègent contre le risque de démence chez les personnes du troisième âge. Pour lutter naturellement et efficacement contre ses maladies, nous avons besoin de réserve cognitive. Les activités citées précédemment augmentent et maintiennent la réserve cognitive qui freine l’apparition de la démence. Alors imaginez l’apport exceptionnel sur la santé mentale que peut représenter l’apprentissage du violon dès le plus jeune âge ? Le cerveau s’habitue à cette activité bénéfique et consolide la réserve cognitive pour la vie future.
c- Les programmes utilisant le violon dans l’éducation des enfants
Des programmes similaires à Un violon dans mon école sont organisés à travers le monde.
- Au Venezuela est abrité le plus connu des programmes :« El sistema » au fondé en 1975 par José Antonio Abreu, cette organisation est un programme de formation musicale publique qui enseigne aux enfants, souvent issus de milieux défavorisés, à jouer des instruments de musique, y compris le violon. Le programme s’est étendu à de nombreux autres pays.
- En Europe : Sistema Europe. Réseau d’organisations européennes inspirées par le modèle d’El Sistema, offrant des programmes d’éducation musicale aux enfants.
- Au Royaume-Uni : Sistema England. Inspiré par El Sistema, ce programme offre une formation musicale aux enfants et aux jeunes, en se concentrant sur les communautés défavorisées.
- Aux états-unis : Harmony Program. Basée à New York, cette organisation offre des cours de musique gratuits, y compris des cours de violon, à des enfants de communautés défavorisées. Il y a aussi Play On Philly : Programme de Philadelphie offrant une éducation musicale de haute qualité et intensive aux enfants dans des quartiers défavorisés, incluant des cours de violon.
- Au Japon : Yamaha Music Foundation. Fournit des programmes d’éducation musicale, y compris des cours de violon, pour les jeunes à travers le monde.
- Monde entier : Suzuki Method. Bien que ce soit plus une méthode qu’une organisation, le réseau international des enseignants Suzuki offre des cours de violon aux enfants dès leur plus jeune âge.
- En France, en plus d’un violon dans mon école, nous avons : Orchestre à l’Ecole. Cette association vise à introduire la pratique instrumentale, notamment le violon, dans les établissements scolaires.
Ces organisations partagent deux objectifs communs :
- rendre la musique accessible aux enfants de tous horizons, en particulier ceux issus de milieux défavorisés
- utiliser la musique comme outil de développement personnel et social
- lutter contre le décrochage scolaire.
En résumé, l’apprentissage du violon a des effets profonds et variés sur le développement du cerveau des enfants. Ces bénéfices comprennent une meilleure plasticité cérébrale, des améliorations cognitives, émotionnelles et sociales, ainsi qu’un développement physique et moteur renforcé. Ces effets combinés contribuent à un développement global harmonieux et enrichissant pour les jeunes musiciens.
III- Bienfaits sur la maitrise de soi
Certes, le violon est l’instrument le plus difficile à jouer mais son apprentissage corsé se transforme en bénéfices pour la gestion émotionnelle, la confiance en soi et la discipline. Voyons cela en détail.
a- La gestion du stress
« La musique adoucit les mœurs ». On ne croit pas si bien dire à propos du violon. Pour en jouer il faut rechercher la douceur. En effet, appuyer fortement sur les cordes avec l’archet fait grincer le son du violon. Nous sommes obligés de le manier avec douceur et retenu. Effet calmant assuré !
Une étude clinique de Hille et Schupp (2015) a démontré que la musique, dont le jeu du violon, influence les circuits cérébraux impliqués dans la régulation des émotions. Cette étude a montré que les enfants musiciens avaient une meilleure gestion des émotions et des niveaux de stress réduits. Probablement en raison de l’activation des circuits limbique et préfrontal lors de la pratique musicale.
Le système limbique est un ensemble de structures cérébrales impliquées dans les émotions, la mémoire et la motivation. Parmi ces structures, on trouve entre autres :
– l’hypothalamus qui régule les réponses au stress
– le gyrus cingulaire qui est impliqué dans le traitement émotionnel et la régulation du comportement
– les amygdales impliquées dans la régulation des émotions en particulier la peur, l’anxiété et l’agressivit
L’influence calmante du violon est bénéfique pour les enfants comme pour les adultes.
Vous prendrez bien un peu de violon pour calmer vos nerfs ?
b- Discipline, patience et persévérance
Pour pouvoir jouer de cet instrument, l’enfant comme l’adulte doivent lui accorder du temps. Un enfant devra réserver un moment en plus de ses devoirs rien que pour répéter son violon. Une fois par semaine ne suffit pas. Il faudra qu’il aménage à l’aide de ses parents un planning hebdomadaire qui lui permettra de le pratiquer à des horaires choisis. L’enfant acquière ainsi la discipline et l’organisation.
Arriver à un niveau de satisfaction personnel dans le jeu du violon lui demandera de la patience et de la persévérance. Il apprendra ainsi une leçon capitale dans la vie : « Rien ne s’obtient sans effort » (ou « no pain no gain » pour les anglophones). L’enfant développera le goût de l’effort et accroîtra sa volonté d’y arriver.
Cette discipline à l’effort produit des bénéfices parallèles :
- La confiance en soi : plus l’enfant arrivera à jouer de l’instrument, plus il deviendra confiant et plus il augmentera son niveau de satisfaction.
- Considérer l’échec différemment : apprendre le violon c’est aussi se poser les questions de comprendre pourquoi on a raté tel passage du morceau. On rentre dans une analyse de l’échec à la mode américaine qui permet de retirer des leçons des erreurs et d’en fabriquer des solutions. L’enfant acquière une autre vision de l’échec.
- Le soin : le violon est un instrument délicat. Il faut le manipuler chaque jour avec douceur, le garder propre, le faire réviser chez le luthier. Veiller à ce que l’archet soit toujours bien enduit de colophane. L’enfant acquière le souci et le soin de ses affaires personnelles.
- La posture : pour jouer au violon, il faut se tenir droit et avoir les bras, les mains et les pieds bien placés. D’ailleurs, voici une courte anecdote personnelle : j’ai fait de la danse classique dans mon enfance en même temps que j’ai appris le violon. La danse classique m’a permis d’avoir une bonne tenue au violon et d’avoir la bonne gestuelle et vis-et-versa. Le violon a induit un bénéfice sur ma posture et l’alignement de mon corps en danse classique. Cela a été complémentaire. L’un a servi l’autre. Les gestes au violon sont gracieux et souples tout comme le sont les gestes en danse classique.
IV- Des relations sociales avantagées
Les études de Laura Cirelli, ont prouvé que jouer de la musique à plusieurs établis et renforce le lien social. Des personnes qui jouent de la musique ensemble sont plus à même de s’entre-aider. Cela a été prouvé tant chez les adultes que les jeunes enfants de 2 ans.
Imaginez un orchestre symphonique d’enfants jouant ensemble violons, altos, violoncelles, contrebasses, instruments à vents et percussions. Puisqu’il est établi que jouer de la musique ensemble crée et renforce le lien social entre musiciens, ce bénéfice ne reste pas seulement entre musiciens mais se projette sur l’entourage. Le jeu en orchestre est similaire aux interactions sociales. Jouer dans un orchestre ou un groupe musical nécessite de s’écouter, de s’attendre, de se comprendre, de patienter, de laisser place à l’autre ou de prendre le dessus sur l’ensemble (les moments de solistes).
Jouer ou chanter ensemble rend coopératifs, serviables et sympathiques. Il y a une synchronisation interpersonnelle qui encourage la serviabilité même chez les nourrissons de 14 mois (voir la publication scientifique).
Dans la vie quotidienne, le jeu instrumental en groupe développe le travail en équipe et la cohésion de groupe. Cela est vrai pour les enfants comme pour les adultes.
V- Les bénéfices sur l’expression de soi et la créativité
Le violon est un instrument possédant une diversité de couleurs sonores produites par différentes techniques. Comme sur tous les instruments ou presque, on peut y jouer les nuances piano, mezzo piano, fortissimo grâce à la pression de l’archet sur les cordes. On peut simuler des ricochets, des pics d’émotions, la mélancholie, l’espoir, la joie. Des accords, des notes aigues, des notes graves. Pour les musiciens virtuoses, on dit souvent qu’ils font « parler leur violon » ou « chanter leur violon ». C’est dire qu’ils ont cette aptitude à transmettre les émotions et les histoires qui traversent leur esprit au public via leur instrument.
Faire du théâtre est bien connu pour renforcer sa personnalité, se trouver, s’exprimer. Il en est de même pour le violon qui permet même d’exprimer les non-dits.
J’ai eu la chance d’assister à une représentation du Rolling String Quartet qui est un groupe musical du Professeur Emmanuel Bigand. Ce groupe décrit avec brios les effets de la musique sur le cerveau, mais attention ! En musique et avec tous les « effets spéciaux » inimaginables que peuvent produire les instruments à cordes frottées. Il faut le voir et l’entendre pour le comprendre. Je vous invite à aller voir une représentation de ce groupe si vous en avez l’occasion.
Le violon est un terrain de jeu favorable au développement de l’enfant. Il pourra s’amuser tout en développant sa personnalité et sa créativité avec finesse.
CONCLUSION
Jouer au violon dès le plus jeune âge permet de structurer le cerveau de telle sorte qu’il développe des aptitudes plus élevées pour:
– la mémoire
– la concentration
– la lecture
– la coordination des membres supérieurs
– la motricité fine
– l’audition
– la maitrise de soi
– la volonté
– l’interaction sociale
– l’expression de soi.
La pratique du violon est un atout pour le développement cérébral et l’intellect de l’enfant grâce à l’amplification de l’acquisition de la réserve cognitive pour l’âge adulte. Apprendre à jouer au violon est donc un bienfait pour le développement global et harmonieux de l’enfant qui sera façonné en individu équilibré.
