Ou, ‘les 10 raisons de jouer au violon’
Introduction
Je poursuis la série des bienfaits de la pratique du violon. Cette fois, nous parlerons des bienfaits chez l’adulte.
« Le violon est l’instrument le plus difficile à jouer ». Nous avons peut-être tous déjà entendu cette phrase lorsqu’on parle de choisir un instrument à jouer. Et pourtant, comme je l’ai écrit dans mon précédent article concernant les bienfaits de la pratique du violon chez les seniors; le violon est un bienfaiteur pour la santé cognitive, mentale et physique de tous.
Dans mon parcours de professeur de violon, j’ai eu l’occasion de donner des cours de violon à des seniors, à des adultes âgés d’une vingtaine à quarantaine d’année, à des adolescents et à des enfants. J’ai pu constater les facilités et les difficultés d’apprentissage propres à chaque tranche d’âges. J’ai pu remarquer également que la personnalité de chacun influençait particulièrement la façon d’apprendre et de jouer au violon. L’inverse est aussi vrai : le violon influence de façon positive la personnalité du violoniste ainsi que ses capacités générales. Il y a comme un transfert de compétences, d’aptitudes et de divers processus de maîtrise de soi générés par l’apprentissage du violon vers la vie de tous les jours.
Des études ont prouvé que notre cerveau s’organise et se réorganise quand nous grandissons et apprenons. Cela s’appelle la neuroplasticité. Plus nous pratiquons une compétence, plus les airs du cerveau dédiés à ces compétences se développent.
Alors voyons en détails quels sont les bienfaits de la pratique du violon chez l’adulte.
1- Le soin et la minutie
Un jour, je prenais le taxi et je rentrais chez moi avec mon violon. Souvent les taximen me demandent si c’est une guitare que je transporte. Cela me fait toujours sourire gentiment. Rares sont ceux qui me disent tout de suite que c’est un violon.
Lorsque je suis entrée dans le taxi, mon violon a bien évidemment enclenché la discussion. Le conducteur du taxi a demandé : « C’est bien un violon que vous transportez ?»
Moi, surprise qu’il connaisse l’identité de l’occupant de mon étui : « Oui c’est bien un violon ».
De façon surprenante, le taximan répond dans un soupir : « Vous êtes violoniste ! Vous devez être minutieuse et soigneuse n’est-ce pas ? Je le ressens chez vous dans votre façon d’être. Vous êtes calme et pausée. Je vous dis ça car je connais des violonistes et ce qui me frappe chez eux c’est qu’ils sont tous très soigneux et respectueux de leurs affaires et des affaires des autres. Ils sont attentifs et sensibles aux choses ».
Moi, toujours surprise et intérieurement interrogative : « effectivement je prends soin de mes affaires et j’aime bien coudre et dessiner alors je dirais que oui, je suis minutieuse. C’est vrai que le violon force à la minutie et au soin car c’est un instrument fragile et délicat qu’il faut manier avec soin ».
Le taximan : « Oui c’est exactement ça, pour jouer du violon il faut être soigneux et non bourrin comme pour d’autres instruments ou activités. Mais le violon contribue à ce que l’individu devienne aussi plus soigneux et respectueux je pense».
Et la conversation s’est poursuivi sur les atouts du violon et sur la musique en générale.
Voilà un échange qui m’a interpellé car il m’a fait réfléchir sur la provenance de mes traits de personnalité. J’ai été forcé de constater que le violon avait joué un rôle non négligeable dans le formatage d’une partie de ma façon d’être. J’ai constaté que j’étais effectivement ce genre de personne que décrivait le taximan. Et ils connaissaient en plus d’autres violonistes qui dégageaient ces mêmes traits de personnalité.
Alors oui, le violon contribuera à développer chez vous votre côté minutieux et soigneux. Il augmentera le respect que vous avez sur vos affaires et les affaires d’autrui. Le violon est un instrument délicat et fragile à manier avec soin ce qui développera votre douceur et votre calme.
Une expérience concrète
Je me souviens de Mme V. avec laquelle je faisais des ateliers de musicothérapie active par le violon dans sa maison de retraite. Avant le démarrage des ateliers, elle était agressive, énervée. Dans son quotidien, elle s’adressait au personnel soignant avec un langage sévère et criait souvent. Elle était en refus de soin, et avait clairement des difficultés relationnelles. Vous me voyez venir ? Au bout de quelques semaines d’atelier, elle s’amusait à jouer de son violon, souriait gaiement aux autres participants. Elle bougeait au rythme de la musique sur sa chaise roulante. Elle a commencé à avoir de la douceur dans sa façon de parler à son entourage. Elle était devenue plus soigneuse avec ses propres affaires qu’elle n’arrêtait pas de déchirer ou de casser en temps « normal ». Pour finir, elle a accepté de se faire soigner.
Rien à rajouter.
2- Le calme
Réfléchissons un instant. Le son du violon est doux. Les frottements de l’archet sur les cordes sont comme un agent relaxant qui se diffuse à chaque coup d’archet. Quand on goutte à chaque note jouée par le violon et qu’on y prête attention en récoltant dans son être intérieur les vibrations et les essences, on en retire de la quiétude et un bien-être. La main droite qui fait glisser l’archet tout le long de la mèche est en contact direct avec les cordes. Elle fait des mouvements continues, courts, sautillés, liés. L’attention est absorbée par les gestes et la musique et il en découle le calme.
Le violon réagit très mal au stress. En effet, s’énerver dessus lorsqu’on n’arrive pas à jouer un passage du morceau ne fait que faire stagner ou empirer le passage. On donne des coups d’archet violents.Tout ce qu’on obtient c’est un mauvais son, un violon qui se désaccorde plus vite et une justesse qui tombe à côté. On ne trouve pas la solution. Au contraire, jouer calmement fait voir en détail ce qui ne voit pas et fait avancer dans l’apprentissage. La douceur et le calme délient bien des situations.
3- La patience et la persévérance
a- La patience
Je vous l’accorde, lorsqu’on débute au violon, il y a un travail de recherche de beauté du son à effectuer. Ce qui est le plus complexe est d’obtenir ce son audible qui fait constater aux auditeurs que l’on joue bien. A part le son, le violon fait relever d’autres défi comme : la maîtrise des différentes techniques d’archet, le vibrato, les différentes positions de la main gauche en passant bien sûre par la justesse et la coordination de la main gauche et de la main droite. On doit apprendre bien souvent à lire la partition et faire attention en même temps à ce que l’on joue et comment on le joue. Il faudra donc de la patience pour obtenir un premier niveau de maîtrise qui vous procurera du plaisir à jouer et qui fera plaisir aux oreilles de ceux qui vous écoute.
Il n’y a pas qu’au début de l’apprentissage du violon qu’il faut être patient. C’est à chaque entraînement. Car tous les jours sont différents et nous apportent les défis à relever pour dompter les passages difficiles du morceau musical.
Chaque jour, la patience est exercée en même temps que l’apprentissage. Et cette aptitude se développe et se reflètera sur les rapports que l’on a avec les autres activités ou situation.
b- La persévérance
La patience amène à la persévérance ou vice-et-versa. Au violon, il faut être persévérant pour enrayer la fausse note peu importe son niveau. C’est un combat de tous les jours. Un démanché raté et la note suivante est fausse. Il faut travailler le démanché pour atteindre la note suivante pile à son bon emplacement pour qu’elle soit juste. Au violon il faut être patient pour obtenir le meilleur vibrato possible, pour gagner en rapidité sur un morceau qui nécessite de la vélocité, pour jouer des harmoniques qui sonnent comme des harmoniques. La liste est longue. Mais il faut prendre une bataille après l’autre.
Alors oui, le violon augmente notre taux de persévérance non seulement pour en jouer mais aussi dans la vie de tous les jours. On n’atteint pas toujours rapidement la cible que l’on vise. Jouer au violon donne de la combativité.
4- La discipline
Pour obtenir un jeu qui nous satisfait, il faut s’entraîner régulièrement et pendant une durée satisfaisante optimisant l’entrainement. Il faut donc accorder du temps à l’entrainement. Il faut aménager son emploi du temp en fonction de ses entrainements de violon et non l’inverse car sinon l’entrainement devient aléatoire. On a besoin de focus. Ce n’est pas que le violon empêche de faire d’autres activités mais il réorganise l’agenda. Le violon ou tout autre instrument ou activités exercées demande de la discipline et de la résilience pour pouvoir atteindre les objectifs que l’on s’est fixés.
5- La mémoire
Jouer au violon donne l’occasion de travailler régulièrement sa mémoire. Effectivement, lorsqu’on apprend un morceau, l’un des buts ultimes est de pouvoir le jouer par cœur. Jouer par coeur en se souvenant: de la mélodie à jouer, de toutes les nuances à y incorporer, de toutes les techniques d’archets à suivre et des indications sur la partition tels que les coups d’archets, altérations accidentelles, tempos et rythmes.
En ce moment, j’apprends les quatre saisons de Vivaldi. Voir l’article de mon défi. Dans cette œuvre grandiose, il n’y a pas 4 morceaux ! Il y en a 12 ! 3 par saisons. C’est un travail de mémorisation majeur que de jouer cette œuvre telle que Julia Fischer la joue.
6- La concentration, le focus et l’attention
J’ai déjà cité de nombreuses techniques du violon telles que : le vibrato, les démanchés, les harmoniques, les coups d’archet. On peut rajouter en plus : le staccato, les trilles, le spiccato, les liaisons, les rythmes rapides, les trémolos, les positions, les nuances. Il y en a encore d’autres. Mais imaginez déjà toutes ces techniques mélangées dans un seul morceau. Ou même juste 5 d’entre elles dans un morceau. Vous comprendrez qu’il faille mobiliser toutes son attention lors de l’apprentissage de ce morceau et pendant qu’on l’exécute. Il faut constamment « rester dans sa partition » et porter ses regards internes sur ce qui va se passer au fil du morceau.
Le violon permet donc d’exercer sa concentration, son focus et son attention régulièrement.
7- La coordination
Main gauche, main droite. Au violon, les deux sont employées de façons différentes. La main droite qui tient l’archet et le fait glisser sur les cordes. La main gauche qui soutient un peu le violon et dont les doigts courts sur les cordes pour jouer les notes.
Dans le cerveau, la coordination est possible grâce au cervelet. Il synchronise les gestes et la précision des mouvements volontaires. Le cervelet est aussi à l’origine de l’équilibre.
Au violon, on renforce sa coordination entre la main droite et la main gauche mais aussi sa coordination œil-main et doigts gauches.
Ainsi grâce au violon on développe ses capacités de coordination.
La pratique du violon aide à augmenter ce qu’on appelle la réserve cognitive. Celle-ci regroupe toutes les connexions neuronales et les réseaux de neurones formés grâce aux différents apprentissages et découvertes effectués tout au long de la vie.
Alors ferez-vous l’expérience du violon?
8- La créativité
Jouer au violon accroit la créativité. Comment cela se peut-il ?
a- l’échelle macroscopique
Jouer au violon vous fera vous exprimer de façon créative. Quand on joue d’un instrument de musique et plus particulièrement le violon, il faut faire « parler » la musique que vous jouez et lui donner de la vie, raconter une histoire. Alors il faut utiliser toutes les techniques et possibilité sonores du violon pour raconter cette histoire. Dans un prochain article je parlerais de toutes les possibilités sonores du violon. S’exprimer à travers la musique et le violon devient un jeu. Pensez juste aux nuances : pianissimo, fortissimo ! Pour les jouer il faut les ressentir et les reproduire sur le violon.
b- Et à l’échelle microscopique, que se passe-t-il ?
Le violon se tient à gauche, que l’on soit gaucher ou droitier. La main gauche est celle qui joue les notes sur les cordes, qui contrôle la justesse, qui contribue au rythme et à la mélodie. Elle a plus de responsabilité que la main droite qui tient l’archet et qui le fait glisser sur les cordes. Celle-ci contrôle l’autre partie du rythme et de la mélodie.
Les études ont montré que, chez le violoniste, l’aire cérébrale contrôlant la main gauche est le plus développé en connexions et réseaux de neurones.
Le cerveau est asymétrique. C’est le cerveau gauche qui contrôle la main des droitiers et qui se développe le plus et c’est le cerveau droit qui contrôle la main gauche et qui se développe le plus chez les gauchers. Le violoniste utilise sa main gauche bien au-dessus de la moyenne d’utilisation, en lui faisant effectuer des mouvements inaccoutumés. C’est donc le cerveau droit qui se développe le plus en connexions et structures neuronales. Et à quoi est associé le cerveau droit ? A la créativité, au visuel, à l’intuitif, aux émotions. Jouer au violon développera votre taux de créativité.
Ces connexions et structures neuronales se développent et se densifient particulièrement dans les cortex moteur et somatosensoriel et les fonctions visuospatiales et auditives. Les amygdales qui gèrent les émotions sont également sollicités.
Le violon rend donc multitâche. Quand on joue au violon toutes ces aires cérébrales sont en action et même en action avec le cerveau gauche qui ne reste pas endormi pendant le processus. En effet, le cerveau gauche qui est analytique et logique est stimulé par l’analyse de la musique, la mise en action des techniques effectuées au violon, la lecture de la partition, l’auto-correction sur les passages compliqués du morceau. Jouer au violon développe et renforce la transmission des informations neuronales. Il renforce les connexions neuronales entre le cerveau gauche et le cerveau droit avec une amplification de signaux dans le cerveau droit.
9- L’écoute
Saviez-vous que le violon fait partie des instruments avec l’alto et le violoncelle dont le son est le plus proche de la voix humaine ?
Jouer d’un instrument et particulièrement d’un instrument à cordes frottés tel que le violon, aide à maintenir son audition fine.
De plus, jouer au violon produit la connectivité associative audio-motrice.
En d’autres termes les doigts ont une connectivité accrue avec les passages musicaux joués. Voir l’étude scientifique de M Lotze 1 , G Scheler, H-R M Tan, C Braun, N Birbaumer. ‘Le cerveau du musicien : imagerie fonctionnelle des amateurs et des professionnels pendant la performance et l’imagerie‘
A quoi cela peut-il bien servir ? A muscler votre cerveau de différentes façons. Plus on a de nouvelles expériences et de nouveaux apprentissages, plus on accroît et renforce ses connexions neuronales dedans et entre les différents cortex du cerveau. On éloigne de soi les maladies neurodégénératives telles que Alzheimer, Parkinson ou la sclérose en plaque par exemple.
Le fait d’écouter de la musique et plus encore la pratique d’un instrument de musique produisent ce que les scientifiques appellent la « symphonie neuronale ». Il s’agit de la mobilisation des circuits cérébraux telles que le cortex auditif, le cortex moteur, le cortex visuel. Car le stimuli de la musique est traité par l’entièreté du cerveau.
10- L’estime de soi
« Le violon est un instrument difficile ».
« Où sont les notes sur le violon ? »
« Le violon, ça grince »
« Je suis gaucher, je ne peux pas jouer au violon »
Etc.
Voilà un groupetto de phrases qui caractérisent tant l’image que renvois le violon. Et vous voulez savoir quoi ? OUI, le violon est difficile mais il est difficile uniquement si l’apprentissage n’est pas personnalisé, bien éclairé et guidé progressivement à chaque étape et sans brûler les étapes.
Enfants, adultes ou seniors, tout le monde peut jouer au violon. Pas pour les mêmes raisons ; certains pour s’amuser, d’autres pour devenir virtuose, d’autres pour se soigner, d’autres pour se mettre au défi.
Quoi qu’il en soit, le résultat de l’apprentissage du violon fait que l’on est tout de même fière de pouvoir dompter le violon. C’est gratifiant de pouvoir arriver à jouer des notes sans que cela grince. Cela est motivant de pouvoir retenir une mélodie et de la rejouer sans fautes. C’est valorisant, de pouvoir jouer ses morceaux devant sa famille. C’est bénéfique de pouvoir apprendre le vibrato et de le placer comme on veut dans les morceaux.
Quand je réussis à maitriser un passage que j’avais peine à maitriser, je suis tellement contente. Cela me booste et me donne l’énergie pour pouvoir travailler et maitriser d’autres parties délicates d’un morceau. « Si je suis arrivée à maitriser ce passage que je pensais inaccessible, je peux réussir le reste » : transfert d’énergie et d’élan de réussite. Et ce transfert apparait dans la vie de tous les jours car je comprends qu’il n’y a pas une difficulté que je ne peux surmonter avec un peu de travail et de volonté.
Alors, voulez-vous faire l’expérience du violon?
N’hésitez pas à laisser vos commentaires.
Lydie Moutoumalaya
